Texte d'orientation pour l'axe thématique 'Lois sécuritaires et contrôle social'
Texte d'introduction à la thématique
07.May.02 - Ce texte vise à orienter les débats qui auront lieu dans le cadre de ce forum. De façon générale nous voudrions focaliser sur les expressions concrètes du contrôle social dans la vie de tout un chacun et sur les perspectives d'action qui s'offrent à nous.
Offensive sécuritaire
Le monde occidental a saisi l'occasion fournie par les avions kamikazes de New York pour intensifier un état de guerre généralisé contre toutes formes de déviance sociale ou politique. Les Etats-Unis ayant rappelé que si on n'était pas avec eux, on était contre eux, chaque état allié s'est empressé de s'identifier à leurs paranoïa et d'adopter le statut pratique de démocratie en péril. Les états européens en ont profité pour intensifier leur politique de quadrillage du territoire et des populations cela avec l'indispensable appui des media.
Depuis plusieurs décennies, l'intrusion du contrôle dans les rapports sociaux se fait de plus en plus efficace. La remise au goût du jour de la chasse au terrorisme a permis l'adoption brutale de lois d'exception ( dont on trouvait déjà l'expression dans les très 'avant-gardistes' Criminal Justice Bill et Terrorism Act au Royaume Uni) qui accélèrent un processus déjà engagé de contrôle de nos vies. Sous nos latitudes la guerre ne s'est pas manifestée par des explosions comme on nous l'avait annoncé mais bel et bien par des législations d'exception :
- quadrillage policier de l'espace public avec l'accentuation d'un processus de contrôle des individuEs et des populations et l'élargissement des prérogatives des forces de l'ordre.
- présence policière aussitôt avalisée par l'adoption de lois sécuritaires criminalisant la pauvreté et rendant plus difficiles les rencontres et rassemblements.
- A travers l'Europe, les législations sécuritaires dans le cadre des directives anti-terroristes étendent leur champs d'application à tout ce qui est réfractaire au contrôle de l'Etat. La définition du terrorisme adopte une géométrie variable, ne concernant plus seulement l'acte mais l'intention voire la simple opinion, ainsi que tout ce qui vise la bonne marche, y compris économique des états (occupations, grèves sauvages...).
Du contrôle des territoires au contrôle des populations
La constitution des Etats Nations reposait sur des mécanismes de contrôle du territoire dont l'expression la plus évidente a longtemps été la frontière. La théorie du développement tel quelle apparaît avec l'industrialisation (fin 19ème) et ses suites plus actuelles (pays en voie de développement), cumule les illusions attachées au modernisme (productivité capitaliste) et celles associées à l'idée de nation.
Nous sommes aujourd'hui entréEs dans une nouvelle phase d'extension du capitalisme que la forme traditionnelle des Etats Nations ne suffit plus à appuyer. Aujourd'hui les institutions européennes constituent au même titre que les institutions financières internationales, des tentatives de gestion supranationales du capitalisme. De même que l'Etat Nation dans sa phase première, l'espace européen a besoin de l'adhésion d'une partie conséquente de la population à son fonctionnement. Il s'agit pour l'Europe d'achever la constitution d'un espace lisse, doté dune puissance unifiée et d'une légitimité démocratique sans faille. Pour l'Europe l'ennemi est donc intérieur et c'est le moment de faire de tous les comportements déviants de ses objectifs des actes de terrorisme, au moins en puissance.
Il ne s'agit pourtant pas d'éradiquer les catégories ainsi stigmatisées (migrantEs, fraudeurEuses, 'jeunes des quartiers', militantEs anti-capitalistes...) mais de les délégitimer, museler (prison, rétention...) et finalement de les mettre au travail (travaux d'intérêt général, politiques de retour à l'emploi, travail en prison).
Après la proposition du corps anti-émeute européen pour optimiser encore la répression organisée lors des contre sommets de Prague, Göteborg, Gènes, ce sont à présent le mandat d'arrêt européen, l'extension du système d'information Schengen (SIS) et l'adoption d'une législation anti-terroriste qui étaient à l'ordre du jour au sommet de Séville.
A l'intérieur de l'Europe, l'ancien système des frontières s'est transformé, démultiplié et se retrouve dans tous les 'contrôles quotidiens'(titre de transports, vols dans les magasins, contrôles d'identité, cartes vitales...) et les technologies de l'information deviennent cruciales pour le contrôle des mouvements frontaliers ou non. Le Système d'Information Schengen (SIS) situé à Strasbourg a été créé en tant que système de surveillance unifié pour renforcer le contrôle sur l'ensemble de l'espace Schengen, pendant incontournable de la pseudo liberté de circulation à l'intérieur de l'Europe.`
Du contrôle à l'autocontrôle : le bon citoyen crée le mauvais.....
Les lois sur la sécurité intérieure des Etats ne sont pas tant l'outil d'un pouvoir essentiellement répressif mais le filtre, l'opérateur de tri qui permet de séparer les 'mauvaisEs' citoyen-nes des 'bon-nes'(si tant est qu'il puisse en rester des bon-nes). L'état d'exception ne concerne donc pas que les contestataires du meilleur des mondes : il est le mode devenu habituel de gestion de ses habitantEs régulierEs, le moyen d'une pression permanente sur les moins disciplinéEs / adaptéEs d'entre eux-elles .
Dans la vie quotidienne ces stratégies de contrôle se manifestent par la banalisation de la surveillance aussi bien par les caméras, les polices de proximité, les médiateurs-trices. Le stade ultime d'accomplissement de cette vision de la société et l'intériorisation par la majorité culturelle du sentiment d'insécurité et de la nécessité d'une réponse disciplinaire dont chaque citoyen-enne se doit de se faire l'acteur-trice ( appels à la délation, recoupement des fichiers, collaboration avec les polices...).
Les pistes de recherche / action qui se présentent dores et déjà :
Le campement No Border sera pour nous l'occasion d'explorer et d'agir contre les mécanismes qu'utilisent les pouvoirs politiques et financiers pour asseoir leur emprise sur les populations (contrôle social), leur mode de pénétration dans les moindres aspects de la vie quotidienne (contrôle de l'individu) et enfin d'identifier les outils concrets dont ils se dotent pour pallier à l'existence de population réfractaires aux normes ainsi édictées (SIS, europolice, lois anti-terroristes, mais aussi législation sur les transport, vidéosurveillance...).
Nous voudrions partir des dispositifs concrets qui nous dépossèdent de nos vies et trouver une multiplicité de modes d'action adéquats, quelques pistes nous sont déjà apparues :
• Les liens de plus en plus prégnants entre urbanisme, architecture et contrôle (transports, nouvelles prisons, grands ensembles, facultés anti-émeutes...).
• Attirer l'attention sur la multiplication des formes de police (polices traditionnelles, milices privées, services sociaux, médicaux, services d'hygiène et sécurité, système des brevets sur la vie...).
• rôle des media dans la légitimation de ces dispositifs et la diffusion du sentiment d'insécurité.
• Un certain nombre de genTEs y voient l'occasion de relancer une dynamique de recherche et de lutte autour des travaux sur l'anti-psychiatrie en tant qu'il permettent d'identifier des procédés de contrôle de l'individuE (généralisation de la médicalisation de la déviance, collusion savoir / pouvoir, confusion entre maladie et folie, processus de victimisation/ répression...).
• échanger sur les perceptions et analyses de ces mécanismes dans le différents pays européens ou autres. Sur quels points l'unification se fait-elle et quelle réaction pouvons nous mettre en place ?
• expérimentation de modes d'informations et d'action susceptibles de rendre ces mécanismes plus évidents auprès des populations, aussi bien leurs aspects locaux que leur place centrale dans la constitution de l'espace européen (actions visuelles ou théâtrales, interpeller les genTEs dans leurs cadres de vie, de travail, espaces et moyens de circulation).
• Plus généralement des groupes investis sur cet axe de travail est traversé par l'envie de développer une approche du contrôle social sur un mode autre que défensif et qui puisse être perçue comme transversale aux diverses catégories de population.
• Donner à voir la possibilité d'une opposition au contrôle.
• Réinventer nos vies...