source: l'Humanite
Ahmed Meguini, au secret pour ses idées
22.Aug.02 - Porte-parole du Mouvement spontané, coqueluche des médias entre le 21 avril et le 5 mai, icône de la jeunesse antifasciste descendue ces jours-là dans la rue, Ahmed Meguini, vingt-cinq ans, croupit depuis un mois dans sa cellule de la maison d'arrêt de Strasbourg. En détention provisoire, placé à l'isolement total sur décision de l'administration pénitentiaire, interdit de parloir à la demande du procureur ou du juge d'instruction. Tout ceci, dans l'indifférence quasi générale. Son procès se tient cette après-midi au tribunal correctionnel de Strasbourg. Arrêté le 24 juillet lors d'une des manifestations du réseau No Border qui a rassemblé 2 000 militants des réseaux européens de soutien aux sans-papiers à Strasbourg, Ahmed Meguini est poursuivi pour " violence aggravée suivie d'incapacité supérieure à huit jours " et " outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions ". Parole de fer contre parole de terre. Selon les policiers qui ne l'ont pas pris sur le fait, mais quelques heures plus tard, en le " prélevant " dans un cortège lors d'une charge, Ahmed Meguini, " formellement identifié " par eux, aurait insulté un premier commandant de police et frappé avec un bâton sur le poignet d'un autre, occasionnant une fracture. Le jeune militant nie les faits.
Quoi qu'il en soit, au-delà de la réalité des actes reprochés au jeune militant sur lesquels le tribunal est appelé à statuer aujourd'hui, ses conditions de détention surprennent par leur sévérité : elles dénotent à l'évidence une volonté particulièrement inquiétante de punir peut-être des actes, mais avant toute chose de réprimer des idées. La première demande de mise en liberté conditionnelle d'Ahmed Meguini a été rejetée le 6 août. Le substitut du procureur avait évoqué, lors de l'audience, le " trouble à l'ordre public exceptionnel " causé par les manifestations No Border, motivant le maintien en détention provisoire par " la gravité des faits " reprochés et " l'absence de garanties de représentation " (attestation de domicile et promesse d'embauche ayant pourtant été transmises au parquet). Sa deuxième demande de mise en liberté devrait être examinée aujourd'hui, soit le jour de son procès - ce qui ne lasse pas de surprendre. " Le seul avantage de cette libération conditionnelle à la dernière minute, ce serait qu'Ahmed comparaisse libre devant le tribunal ", explique Cindy, du collectif strasbourgeois de soutien. Mais ce sont ses conditions d'incarcération (isolement et refus de parloir) qui laissent proprement pantois : Ahmed Meguini aurait été présenté par l'administration pénitentiaire, dans un contresens assez remarquable, comme un militant - donc, dangereux - " contre (sic) la fermeture des centres de détention ". On craint explicitement que ses idées politiques déteignent sur les autres prisonniers.