source: Le Monde
A Strasbourg, les "No Border" sont interdits de manifestation
27.Jul.02 - Des heurts violents avec la police, le 24 juillet, ont conduit à vingt interpellations - Strasbourg de notre envoyé spécial
Depuis vendredi 19 juillet, environ deux mille jeunes venus de France, d'Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas manifestent bruyamment à Strasbourg, devant le Conseil de l'Europe ou la Cour européenne des droits de l'homme, contre "l'Europe forteresse" de Schengen. Militants antiglobalisation ou antiracistes, défenseurs des "sans" – papiers, logement, travail – ou anarchistes issus des centres sociaux autogérés italiens ou espagnols, ils ont installé leur "No Border" camp et leurs tentes en bordure du Rhin, à deux pas de l'ancienne douane franco-allemande.
S'ils ont choisi la capitale alsacienne, ce n'est pas tant pour sa frontière avec l'Allemagne que parce qu'elle héberge l'ordinateur central du Système d'information Schengen (SIS). Il permet aux polices européennes d'échanger notamment des informations sur les étrangers interdits d'entrée ou de sortie. Sous une tente collective, des hackers (pirates informatiques) ont essayé en vain de trouver une faille dans la "forteresse" pour préparer un assaut contre le SIS.
Au pied de l'immeuble qui l'héberge, les comédiens engagés d'une compagnie théâtrale autrichienne creusent un trou, déguisés en agents des ponts et chaussées. Ils en tirent de faux câbles qu'ils font mine de raccorder à des ordinateurs portables pour, symboliquement, "dénoncer toutes les formes de contrôle social qui visent à criminaliser ceux qui contestent la société de consommation".
"Méthodes de casseurs"
Une trentaine de militants radicaux, vêtus entièrement de noir – à la manière des anarchistes du Black Block, qui s'étaient violemment illustrés il y a un an lors du G 8 de Gênes – ont eux choisi la manière forte. Ils ont dévasté, mercredi 24 juillet, les halls d'accueil d'hôtels du groupe Accor – traité de "collabo" pour son "implication directe dans les expulsions dont sont victimes les sans-papiers" –, couvert les façades du Trésor public et de banques de tags appelant à "détruire le capitalisme" et démoli certaines vitrines à coups de battes de base-ball.
Les heurts violents qui ont éclaté avec la police dans la soirée de mercredi ont conduit à l'interpellation d'une vingtaine de personnes. Une seule demeurait en garde à vue, vendredi. La préfecture du Bas-Rhin a interdit "toute manifestation organisée, revendiquée ou conduite par le collectif No Border" jusqu'au samedi 27 juillet minuit (soit la fin du camp).
Le maire de la ville, Fabienne Keller, a déclaré ne plus pouvoir "accepter que les violences continuent dans la ville". La mairie n'avait déjà accordé qu'au dernier moment un emplacement – dans le parc du Rhin – aux militants pour monter leurs tentes. Le responsable de la sécurité municipale avait prévenu : "Ces gens-là ne sont pas nos invités !" Du côté du réseau No Border, un communiqué a aussitôt dénoncé "cette mesure répressive inouïe et d'une sévérité rare qui montre clairement la peur de l'Etat vis-à-vis des revendications portées par le campement".
Jeudi, les participants du camp ont finalement décidé d'appeler à ne pas manifester pendant la journée mais de laisser le choix à chacun d'organiser, dans le calme, des "petites actions". La section strasbourgeoise d'Attac a précisé qu'elle n'avait "aucune sorte de relation" avec le réseau No Border. Michel Weckel, délégué régional de la Cimade, association qui apporte son soutien aux étrangers en voie d'expulsion retenus dans le centre de rétention administratif de Geispolsheim, près de Strasbourg, a protesté contre "ces méthodes de casseurs qui ne servent pas la cause des sans-papiers".
Stéphane Mandard (Le Monde Interactif)