source: L'Humanite
Incarcération "borderline" pour Ahmed Meguini
12.Aug.02 - Un militant antimondialiste est incarcéré dans des conditions disproportionnées, isolement et refus de parloir, à Strasbourg.
Ahmed Meguini, un membre d'ETA ou du FLNC ? Ahmed Meguini, présumé coupable d'avoir commis un attentat à la bombe ou d'avoir fomenté une tentative de meurtre contre un représentant de l'Etat ? Rien de tout cela et pourtant ce jeune homme âgé de vingt-cinq ans, en détention provisoire à la maison d'arrêt de Strasbourg sous le numéro d'écrou 25375, est traité comme pourrait l'être un terroriste. Son régime carcéral depuis le 24 juillet dernier : placement à l'isolement total sur décision de l'administration pénitentiaire et autorisation de parloir refusée par le juge d'instruction. Son avocat est devenu son seul lien avec l'extérieur en attendant son procès qui se tiendra le 21 août. Qu'est-ce que la justice de ce pays peut bien lui reprocher pour lui infliger un tel traitement ? Ce militant antimondialiste a participé au campement No border-No nation (Pas de frontières-Pas de nation - NDLR) qui, durant dix jours à la fin juillet, a rassemblé quelque 2 000 personnes venant de tous les pays pour lutter contre"l'Europe forteresse de Schengen", pour manifester en faveur de"la liberté de circulation et de la solidarité entre les peuples"et pour réclamer la fermeture des centres de rétention.
Le mercredi 24 juillet, lors d'une marche contestataire, Ahmed aurait frappé avec un bâton sur un capitaine de police en marge du défilé, lui fracturant le poignet gauche et entraînant une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours pour le fonctionnaire."Formellement identifié" par la victime et ses collègues, Ahmed aurait ensuite rejoint les autres ma nifestants après avoir pris le soin de changer de vêtements."Pendant que le regroupement rejoignait le campement poussé par la police, ils ont utilisé une technique d'incursion en pointe en tapant sur les gens pour se frayer un chemin jusqu'à Ahmed, explique Camille, militante et témoin de la scène. C'était véritablement une chasse au faciès."Du fond de sa cellule, Ahmed nie les faits. Sa parole contre celle des représentants des forces de l'ordre qui l'auraient sciemment laissé quelques heures libre de ses mouvements, mais"sous étroite surveillance", avant de l'arrêter. Etrange procédé. Innocent ou coupable de"violence avec arme à l'égard d'un dépositaire de l'autorité publique", toujours est-il que les conditions d'incarcération disproportionnées d'Ahmed laissent pantois."Les motivations données par l'administration pénitentiaire sont inacceptables, dénonce son avocat, Me Gouichoux. On craint, du fait de ses idées politiques, qu'il influe de manière néfaste sur les autres détenus. De même, il est indiqué sur le papier d'isolement qu'il a dû signer qu'il était un militant pour la fermeture des prisons. Ce qui est faux."
Quant au refus d'autorisation de parloir - la demande de visite de sa petite amie a, par exemple, été refusée - elle n'est en aucun cas corrélée à la procédure d'isolement. C'est le magistrat instructeur qui en a fait la demande. Sur quel motif ? Quelle autre intention que de criminaliser un militant associatif et de lui faire endosser le statut de détenu politique ? Et Me Gouichoux d'enfoncer le clou :"De fait, Ahmed a, par rapport à son incarcération, tous les inconvénients de l'infraction politique, mais pas les avantages, car, par rapport à la sanction, il sera considéré comme un vulgaire délinquant."Cofondateur du Mouvement spontané, créé au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, Ahmed a été un porte-voix, hautement médiatisé, d'une génération en campagne pour le"réveil social". Hier, à la une des journaux, aujourd'hui, oublié derrière des barreaux dans des conditions plus que contestables. Son maintien en détention provisoire pose également question. Les seize autres personnes interpellées et placées en garde à vue en même temps que lui ont été relâchées. Jugé le 26 juillet en comparution immédiate, Ahmed est le seul maintenu en détention en raison "de la gravité des faits", argumente-t-on au parquet strasbourgeois. Le 26 juillet, le jeune homme a déposé une première demande de remise en liberté. Son avocat, qui n'avait pas pu être prévenu à temps, n'était pas présent. Le ministère public n'a pas estimé ses garanties de représentations suffisantes: "Pas de travail, pas de revenu."Ce que conteste son conseil,"une attestation d'embauche et une attestation d'hébergement d'une amie ont été versées au dossier". Aujourd'hui, une deuxième requête de libération va être déposée par son avocat. L'audience devrait se tenir d'ici à la fin de la semaine.