Press release: Avec les parquets pas vernis, on fait du petit bois
15 jours avec sursis pour les 17 occupant-es du ministère de la justice à Strasbourg
27.Feb.03 - Imaginez. Vous apprenez qu'une personne subit un traitement carcéral d'exception, une véritable torture. Arrêtée au cours d'une manif en juillet 2002, elle se fait tabasser, placer en garde à vue avec un poignet cassé. Elle passe en comparution immédiate, accusée d'avoir fracturé la main d'un policier. Dans l'attente du report de son procès, elle est incarcérée et mise en isolement : seule en cellule, seule en promenade, n'ayant droit à aucune visite. Or, sachant que l'absence de tout contact humain, le fait de subir un enfermement en espace restreint provoque de graves séquelles psychologiques (angoisse, troubles du langage, distorsion de la perception de l'espace et du temps, souffrance affective, ...), vous demandez un parloir. Vous vous heurtez à l'inertie de l'administration, les parloirs sont refusés. Vous finissez par apprendre, officiellement, qu'elle subit ce traitement inique en raison de ses opinions : elle serait contre les prisons. Vous décidez de réagir. Un vendredi d'été, pour obtenir ce parloir refusé, vous décidez avec 16 autres personnes de faire une occupation (pratique courante de lutte sociale) de l'annexe du ministère de la justice sis à Strasbourg. Vous arrivez. Vous sonnez. On vous ouvre. Vous entrez. Vous conviez les employéEs présentEs à sortir, mais ceux/celles-ci désirent rester, l'un d'entre eux/elles en ayant même reçu l'ordre de sa hiérarchie. Tout se passe bien jusqu'à l'arrivée de forces de police disproportionnées : G.I.P.N, B.A.C., ...
A partir de là, les événements prennent une tournure surréaliste. Armés jusqu'aux dents, des policiers font une entrée fracassante dans les locaux, avec force-dégâts. Vous menottent. Vous insultent. Vous humilient. Vous tabassent dans les toilettes. A l'extérieur trois personnes venues vous soutenir se font eux/elles aussi tabasser et embarquer (jugement pour «outrage et rébellion» le 20 mars 2003). On vous embarque pour 48 heures de garde à vue, dans des conditions, qui, quoique habituelles, n'en sont pas moins insoutenables : deux sandwich en deux jours, rien à boire, pleurer pour aller aux toilettes, isolement, pressions psychologiques, ... Vous apprenez que vous êtes accuséE d'avoir commis une prise d'otages. Un fourgon cellulaire vous conduit au tribunal. Vous passez devant le procureur. Puis une juge des libertés vous explique qu‚elle a reçu l'ordre de ne libérer personne. Le périple se poursuit alors jusqu‚en prison. L'accueil chaleureux des détenuEs n'est pas sans apporter un réconfort certain (ils/elles avaient en mémoire les ballons envoyés au-dessus des hauts-murs avec des slogans contre toutes les prisons, ils/elles nous ont félicité d'"occuper" ainsi la justice). Puis direction le Tribunal de Grande Instance pour une comparution immédiate spectaculaire : devant une telle mascarade, et se rangeant à la plaidoirie des avocats de la défense, le tribunal se déclare incompétent. Ouf, vous êtes libéréE après 96 heures de supplices !
Cette occupation et les péripéties qui l'ont suivie auront quand-même servis à quelque chose : peu après, le prisonnier que vous soutenez obtient sa sortie d‚isolement et des parloirs. Mais ça ne s'arrête pas là pour vous : hors de lui, le procureur s‚acharne et fait appel. Cinq mois après, le 6 février 2003, Cour d'Appel de Colmar. Les six heures d'audience révèlent une sinistre comédie : les témoins à charge et la partie civile apporteront les preuves que non seulement ils/elles n'ont pas été séquestréEs, mais que ce sont les forces de l'ordre qui ont bloqué de l‚extérieur toute sortie du bâtiment. La partie civile précise l'avoir déclaré aux policiers, qui ont sans doute dû oublier « par mégarde » de la notifier dans le procès verbal. Impossible de conclure à la séquestration. Jusqu'au-boutiste, le parquet saucissonne le chef d'inculpation, abandonne la séquestration et se rabat lâchement sur l‚accusation connexe de violation de domicile au prétexte que le nombre fait la contrainte. Pourtant vous aviez sonnez. On vous a ouvert. Vous êtes entréE.
Verdict trois semaines après, le 27 février 2003 : 15 jours de prison avec sursis pour violation de domicile. Le juge vous lance un avertissement : «vous avez intérêt à vous tenir à carreau pendant cinq ans ». Telle est la réponse au souhait émis par le parquet lors du procès : « Il faut mettre un coup d'arrêt à ces occupations sauvages qui sans cela se multiplieraient ». C'est la pratique même de l'occupation comme forme de lutte concrète qui est évidemment visée.
Par rapport aux réquisitions de première instance, ce jugement est un aveu d'échec de la machine judiciaire, obtenu, outre la faiblesse de l‚accusation elle-même, grâce à l'organisation d'une défense collective de touTEs les inculpéEs et à la mobilisation de ceux /celles qui ont occupé, occupent toujours et occuperont encore longtemps (en particulier les collectifs autonomes de sans-papiers). Il reste cependant que malgré le caractère dit «symbolique » de la peine, à travers ce jugement, l'occupation peut devenir désormais un délit. Cela ne concerne pas seulement les 17, pas seulement No Border, pas seulement les militantEs. C'est une atteinte, une de plus, aux pratiques de lutte qui sortent des cadres institutionnels de contestation. A quand la pénalisation des manifestations?
La chasse aux terroristes : un pretexte tres pratique pour discrediter et reprimer toute contestation
Nous n'acceptons pas cette intolérable mise en scène : sous couvert d'une prétendue indulgence, le verdict est une grave atteinte aux libertés publiques. Nous examinons donc la possibilité de nous pourvoir en Cassation. Trois personnes passent en procès le 20 mars et risquent une lourde condamnation pour justifier les violences policières qu'elles ont subies devant notre occupation. Le verdict dors et déjà obtenu dans ce montage procé(or)durier ridicule discrédite explicitement toute velléité punitive à leur encontre.
Nous ne nous laisserons pas terroriser
Nous exigeons la relaxe de touTEs les inculpéEs pendant et suite au campement No Border.
The 17 building occupiers