Suites juridiques liées au campement No-Border de Strasbourg
Organisation de la solidarité et de la mobilisation
06.Sep.02 - Il était évident pour tous les organisateurs du campement de Strasbourg que la préparation comprenait le fait d'être prêt à réagir collectivement au mieux en cas d'épisodes répressifs pendant le campement et de faire face de la façon la plus efficace possibles à d'éventuelles suites juridiques. C'est dans ce but que s'est montée avant et pendant le camp une équipe juridique (composée de participants au camp et non de juristes ou d'avocats) qui, après avoir essayé de mettre en place des outils d'informations pratiques sur les dispositifs législatifs en France (Guide des manifestant-es actif-ves, Guide sans papiers et conseils pratiques mis au point avec l'équipe médicale, tous disponibles en français, allemand, anglais et italien sur www.noborder.org), et une structure auto-organisée sur place pour collecter les informations en cas d'arrestations et réagir au plus vite, s'installe maintenant dans la durée puisque les suites envisagées sont confirmées (plusieurs procès en cours ou à venir). L'ampleur de la répression qu'a subi le campement (harcèlement policier, tirs de flashball, arrestations et fouilles de véhicules à répétition, arrêté préfectoral interdisant toute manifestation pendant les 3 dernier jours) ainsi que le déroulement même des procédures intentées (procès se déroulant quasiment à huis-clos, volonté d'incarcération affirmée et confirmée, tentatives systématiques d'empêcher que les défenses se préparent dans de bonnes conditions....) nous invitent à être suffisamment organisés et efficaces pour y répondre.
Par ailleurs le contexte général du tout-sécuritaire, préparé en France par la LSQ en septembre dernier, semble en être à « l'offensive terrestre », offensive dont a clairement fait les frais le no-border, mais aussi toutes formes de militance (criminalisation des leaders syndicaux, interdiction d'Herri Batasuna, des groupes de lutte kurdes et turques, extradition de Paolo Persichetti...) et, plus généralement, de toutes formes de vie potentiellement subversive (couvre-feu dans les banlieues, exactions diverses des bacs comme récemment à Saint-Etienne après un concert - plusieurs personnes ont été condamnés à du ferme, dont un à 4 mois..., menace de prison sur ceux qui ne payent pas leurs amendes, criminalisation des raveurs...).
Il va nous falloir être suffisamment efficaces aussi pour ne pas se laisser enfermer dans le piège de la gestion de la répression, savoir faire de la solidarité active avec les inculpés l'occasion d'avancées politiques et pratiques sur nos perspectives générales (contre les frontières, pour la régularisation des sans-papiers, contre les centres de rétention et les expulsions, contre le contrôle social). Le mode de fonctionnement qui a été proposé à la fin du campement vise à la fois à l'efficacité à un niveau international (circulation d'information, récolte de fonds, relais de mobilisation...), à permettre de remettre dans un contexte politique général chaque épisode répressif particulier, tout en laissant chaque collectif de soutien poursuivre sa propre logique de mobilisation. Après un bref rappel de ce mode de fonctionnement, on fera un bilan des suites juridiques passées et en cours (non-limitatif puisque chaque action semble apporter son lot d'inculpations...) et un court appel à la solidarité financière, diffusable très largement et d'autant plus urgent que les procès s'accumulent et que le compte se vide d'autant....
Enfin, avant et pendant le campement ont eu lieu des discussions et débats divers, en particulier sur tout ce qui est politique dans le rapport aux questions juridiques, les choix qui suivent ainsi que la perspective dans laquelle les divers guides ont été écrits en sont le résultat. Nous disposons aussi d'un matériel qui peut servir à débattre de questions générales comme le devenir du droit européen (mandat d'arrêt, LSQ, etc.) qui ne demande qu'à être consulté, débattu et accru par tous les sujets qui peuvent intéresser ici ou là les un-es où les autres
Mode de fonctionnement:
L'Il-legalteam se donne 3 objectifs:
- rassembler l'argent pour les frais de justice, d'avocats et les mandats aux prisonniers. Cet argent est recueilli soit par des appels à dons, soit au cours d'initiatives de mobilisation menées par les collectifs de soutien à tel ou tel inculpé ou autres. Chaque collectif doit en revanche dans la mesure du possible trouver les moyens de subvenir aux autres frais occasionnés (par exemple en mettant deux caisses de soutien, une reversée à l'il-legal team pour les avocats et frais de justices, l'autres pour ses propres initiatives de mobilisation). L'il-legalteam finance les frais d'avocat si le choix est fait d'un avocat avec lequel un accord a déjà été négocié, ou si un accord est trouvé avec l'avocat choisi. Nous encourageons ceux qui désirent choisir eux-mêmes leur avocat à poser avant toutes choses la question des tarifs et à se coordonner avec l'il-legalteam pour se mettre d'accord sur un tarif envisageable.
- Aider à la constitution de groupes de soutien auto-organisés en étant disponible, en plus des questions financières, pour répondre à tous types de demande de renseignements ou d'aide précise (nous prendrons nous-mêmes en charge s'ils le veulent les cas isolés).
- Aider à la communication entre vles groupes et faire le relais des appels à mobilisation
Les collectifs de soutien sont bien-sûr autonomes quand aux choix de mobilisation, de médiatisation et de défense dans la mesure où les trois conditions suivantes, nécessaires à un travail collectif efficace, sont respectées:
- mise en commun de l'argent collecté pour les frais d'avocats, de justice et les mandats, reversés au compte de l'il-legalteam
- les lignes de défense choisies ne doivent pas se contredire ni être dommageable les unes aux autres (ni entre les co-inculpés d'une même affaire, ni entre les divers inculpés du campement). Ceci implique d'avoir conscience que les choix de défense sont toujours des choix politiques, qui doivent être décidés collectivement
- aucune dissociation de soit s'exprimer publiquement ni vis-à-vis des autres inculpés, ni vis-à-vis des actions du campement No-Border
Nous disposons:
- d'un compte : chèques à l'ordre d'AAU à en voyer à Il-legalteam, c/o CAE, 21ter, rue Voltaire, 75011 Paris.
- d'une liste de travail : il-legalteam@lalune.org qui nous permet de travailler collectivement malgré la dispersion: tout le monde peut y écrire pour demander ou donner des informations, en revanche pour recevoir les mails il faut s'y inscrire en sachant que c'est une liste de travail (élaboration de texte, préparation d'initiatives de mobilisation, circulation d'information), qui peut aussi être un lieu de débat de questions de fond.
- Nous transmettons très régulièrement les textes aboutis ou infos utiles sur les site www.noborder.org/strasbourg/legal/ ou les diverses listes de diffusion auxquelles nous avons accès.
Procès passés, en cours, à venir....
(bilan provisoire, récits rapides)
• Ahmed : Ahmed s'est fait interpeller le 24 juillet durant la manifestation contre les centres de rétention et les expulsions au cours du campement. Il est passé en comparution immédiate (le poignet fêlé au cours de son arrestation) le 26, a demandé un délai pour préparer sa défense et a été maintenu en détention jusqu'au procès fixé le 21 Août (les mises en détention ont l'air systématiques à Strasbourg et non conditionnées à la présence de garanties de représentation comme partout ailleurs...). Son procès (et c'est une constante de toutes les audiences qui ont eu lieu au tribunal de Strasbourg) a eu lieu quasiment à huis clos (seules 15 personnes ont pu y assister, avec blocage complet de l'accès au tribunal pour toute la journée). Ahmed est immédiatement mis à l'isolement par l'administration pénitentiaire (pour sa participation à un groupe de lutte pour la fermeture des prisons et ses idées générales qui pourraient troubler les autres détenus, est-il mentionné dans un papier officiel de l'A.P.). Toutes les demandes de parloirs sont refusées, empêchant la défense de s'organiser correctement. Une demande de mise en liberté est immédiatement déposée, elle sera examinée 10 jours plus tard sans que son avocat soit prévenu, une deuxième demande sera déposée qui sera examinée le jour même du procès, juste avant que ce dernier ne débute et ceci suite a une convocation de son avocat expédiée a une mauvaise adresse. Le procès a lieu le 21, de nombreuses actions de solidarités sont organisées en France et en Europe (voir site no-border). A Strasbourg une action d'envoi de ballons avec banderoles a lieu la veille et une conférence de presse le jour même. 6 personnes seulement peuvent assister au procès, 5 témoins de la défense démontrent les incohérences des témoignages policiers, le verdict est de 8 mois dont 3 fermes. Le procureur vient de faire appel du jugement, Ahmed sera donc jugé à nouveau au tribunal de Colmar dans le courant du mois d'octobre ou début novembre, une nouvelle demande de mise en liberté sera certainement examinée. Aux dernières nouvelles, après la visite d'une député communiste (les députés ont le droit en principe de rentrer dans les prisons, il est très rares qu'ils le fassent), il ne serait plus à l'isolement et la demande de parloir serait en bonne voie.
• 4 procès auront lieu entre le 22 et le 28 février :
- 2 personnes pour vol et dégradation de drapeaux - 1 personne pour tag - 1 personne pour transport d'armes de 6ème catégorie (fouille d'un véhicule après la comparution immédiate d'Ahmed, des outils y sont trouvés...) - 2 personnes pour dégradation et rébellion
• L'affaire des 17 : après plusieurs refus de permis de parloir, assurance avait été donnée qu'une réponse serait donnée après le jugement. Le 22, nous avons appris qu'Ahmed devait encore attendre 10 jours pour obtenir sa réponse. 17 personnes du comité de soutien sont allés occuper l'annexe du ministère de la justice à Strasbourg pour obtenir enfin cette autorisation de parloir, l'occupation se déroule dans le calme, la bonne humeur des employés, et le procureur semble même prêt à négocier. Bilan : intervention spectaculaire complètement disproportionnée du GIPN, matraquage violent par la BAC de 3 personnes, 17 gardes-à-vue prolongée 48h, puis passage devant le juge de la détention et des libertés qui place les 17 en détention à la prison de l'Elsau jusqu'à l'audience en comparution immédiate du lendemain. Devant l'inexistence des charges (les 2 « séquestrés » venus témoignés ont dit ne pas l'avoir été!) le tribunal se range derrière la plaidoirie des avocats de la défense et e déclare incompétent (la séquestration est un crime passible des assises si les séquestrés sont libérés par les forces de l'ordre, ce qui, à supposé qu'il ait eu séquestration, est bien le cas...). Les 17 sont libérés et le procureur fait immédiatement appel de la décision d'incompétence. Les 17 repasseront en audience devant le tribunal d'appel de Colmar qui soit se déclarera de nouveau incompétent, soit les renverra se faire juger en correctionnelle (le délai est inconnu).
• 3 personnes passent en procès en mars : interpellées devant l'occupation, elle sont inculpées d'outrage et rébellion.
Appel à solidaritè financière:
Préparé par la LSQ, le projet de décision cadre sur le terrorisme, le projet de mandat d'arrêt européen..., le tout sécuritaire est passé à l'offensive, visant toutes formes de militance (criminalisation des leaders syndicaux, interdiction d'Herri Batasuna, des groupes de lutte kurdes et turques, extradition de Paolo Persichetti...) et, plus généralement, de toutes formes de vie potentiellement subversive (couvre-feu dans les banlieues, exactions diverses des bacs, menace de prison sur ceux qui ne payent pas leurs amendes, criminalisation des raveurs...). Le campement No-Border de Strasbourg (10 jours de discussion, vie commune, manifestations et actions contre les frontières, les nations et le contrôle social) a fait les frais de cette attitude brutalement répressive : interdiction préfectorale de manifester, arrestations à répétition, fouilles de véhicule, 7 inculpations pendant le campement, 1 comparution immédiate avec mise en détention jusqu'au procès. Depuis, on assiste à Strasbourg à un véritable harcèlement policier et judiciaire (autorisations de parloirs refusées, mise à l'isolement du détenu, tribunal en état de siège dès qu'il y a une audience...
Le summum aura été l'inculpation de 17 personnes pour séquestration après une banale occupation pour obtenir un parloir pour le détenu (2 jours de garde-à-vue, mise sous écrou à la prison de l'Elsau). Les otages de cette parodie judiciaire seront libérés à l'audience par le tribunal qui se déclare incompétent, mais le procureur fait appel et une seconde audience est prévue. Ces dernières inculpations, au-delà d'une répression spécifique au campement, marquent aussi une volonté de criminaliser la pratique même de l'occupation, mode d'action très répandu, que ce soit dans le mouvement des sans-papiers, celui des chômeurs ou comme simple pratique d'auto-défense sociale.
Pour faire face à cette répression, la solidarité s'organise au niveau international. Nous avons des besoins financiers très importants.. qui augmentent régulièrement puisque les initiatives de soutien induisent de nouvelles inculpations (frais de justice, avocats, mandats pour le détenu...).
Diverses initiatives de mobilisation, de soutien et de récolte de fonds auront lieu prochainement partout en Europe, toutes les initiatives sont bien venues. Vous pouvez aussi envoyer directement une participation financière sur le compte spécifique de l'équipe juridique du campement en envoyant un chèque à l'ordre d'AAU à Il-legalteam, c/o CAE, 21ter, rue Voltaire, 75011 Paris
Pour plus d'informations, écrire à il-legalteam@lalune.org ou à l'adresse postale précédemment indiquée.
Il-legalteam